www.annguillaume.fr annguillaume@hotmail.fr

28.7.10

Hwo Knows When



Who knows when?
par Jill Gasparina

« Comment passer de la 2D à la 3D ? » se demandent inlassablement Ann Guillaume et Leylagoor depuis le début de leur collaboration en 2006. Elles ont depuis expérimenté dans leur travail diverses sortes de passages du dessin au volume. Mais c’est peut-être la première fois, dans Who Knows When, qu’elles s’attaquent aussi directement à la question de la sculpture. Elles s’y demandent aussi comment transformer une pelle en machine à remonter le temps. Comment déguiser du contreplaqué en marbre. A quoi ressemble une géode poilue. Comment rendre hommage à leur ville natale et aux joyaux architecturaux de la Rome Antique en une seule et même pièce . Comment s’amuser entourée de scies, de presses, et de grandes plaques de tôles dans une usine? Que fait cette peau de lapin sur cette planche à couper le fromage ? Qui sont les plus drôles et cinglés : les archéologues ou les rockers ? Et pourquoi cette
grande tache verte en plein milieu du champ ??? Il y a dans l’exposition des conflits permanents entre les images, les textures et la matérialité. Le contreplaqué est
imprimé, travesti. La tôle est laquée. Le faux bois (agglo/contreplaqué) se déguise en vrai bois ou en faux marbre (Vrais/Faux). Les dessins en poil et les poils en imprimé. Les sculptures de l’exposition ne sont ni des objets réels, ni des objets fonctionnels, ni même des représentations et elles attirent le regard sur leur nature d’illusion. Les dessins représentent des scènes de sculpture dont on ignore si elles ont existé, ou si elles peuvent exister. Quelque chose n’est pas résolu. Les sculptures sont d’ailleurs bien mystérieusement plates, elles ne s’émancipent que lentement et à moitié de la bi-dimensionnalité. Agrès, par exemple, est constitué de deux plans de bois articulés qu’il est toujours possible de remettre à plat. Et ses deux plans sont recouverts de marqueterie, absolument plate là aussi. Protogéode,
19 triangles isocèles reliés par des fils de cuir (19 est le plus petit nombre de triangles nécessaire pour pouvoir former une géode, explique Ann Guillaume), Protogéode, donc, est à plat, encore à plat. Tous les planks de l’exposition
semblent d’ailleurs s’arrondir sous leur propre poids, ils plient, ils tendent à l’horizontalité. Et sont si minces qu’ils n’ont presque qu’une visibilité graphique. Les deux artistes sont donc toujours et encore hantées par l’imaginaire du
dessin, ses jeux de surface et de textures, avec le brillant du plastic blanc (Figures impossibles), la surface opaque du papier poster (Vue) et du carton, le grain du papier à dessin, le calque transparent, la tôle laquée. Who knows when ?
est un échantillonnage des possibilités matérielles du dessin. Les deux artistes se sont toujours intéressées aux conventions utilisées pour peindre la forme et l’espace dans la peinture illusionniste, et notamment à la forme-perspective. La série des Figures impossibles, des collages numériques, garde la trace de cette obsession. Mais le motif central de l’exposition d’Ann Guillaume et Leylagoor est l’archéologie. Quales Lapides, Quales structurae, est la représentation en deux dimensions d’un segment du mur de l’Amphithéâtre de Metz, simplement posée par terre, dans le sous-sol de la galerie. A l’étage supérieur, 7 mètres est une véritable mire graduée utilisée par les topographes et les archéologues : lorsqu’on est archéologue, plus on creuse le sol, plus on s’enfonce dans le temps. L’Antiquité est à -60 cm. La préhistoire à -7 m. Quant à Radiographie 1/Pelle, c’est la représentation d’un autre outil de
l’archéologie, celui qui permet de creuser le sol et de mettre au jour des vestiges. Il y a aussi Vue, une grande image d’un champ en plan très rapproché. On remarque une tache d’une couleur différente au milieu de la verdure. Il s’agit de la trace d’un petit site archéologique, qui a modifié localement la composition de la terre, et partant la couleur des plantes. Dans Who knows when ?, l’archéologie est l’allégorie nostalgique, parfois privée, d’une remontée dans le temps.
Dans la ville de Metz, sous le parking du Centre Pompidou qui ouvrira bientôt ses portes derrière la grande gare construite au sud de la ville, se situent aujourd’hui les ruines d’un des plus vastes amphithéâtres jamais construits par les romains en Europe. Son existence est connue depuis toujours par les habitants, même si elle fut souvent mise en doute. Longtemps, ses ruines ont affleuré, à l’entrée du quartier du Sablon. « On a vu près de la Seille des vestiges de l’Amphithéâtre jusqu’en 1562, temps auquel on les employa à la construction de la Citadelle. Dans les temps de sécheresse, on voit encore une petite partie de ses fondations dans
l’avant-fossé de la redoute de la Porte Saint Thiébault » écrit un bénédictin Messin, en 1769. Ses fondations sont pour la première fois révélées lors de la construction de la gare, en 1902-1903, une époque où la ville est allemande. Le chantier a été ensuite ouvert plusieurs fois, puis refermé jusqu’aux fouilles de 2006-2007. Il semble que le projet de mise au jour de l’Amphithéâtre soit pour le moment abandonné. Ses vestiges sont restés ensevelis depuis 19 siècles sous terre.

Membres

Fourni par Blogger.