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12.12.10

Les pièces de l'exposition AG OB AS sont inspirées d'objets archéologiques concrets ainsi que de sites de chantiers de fouilles, de mythes archéologiques. Elles font partie d'un laboratoire de recherche sur l'art et l'archéologie. L'archéologue remonte l'histoire à contre-sens. Il creuse la terre pour révéler l'invisible. Plus il creuse et plus les traces de l'occupation humaine sur le terrain sont anciennes. Dans une stratigraphie verticale, plusieurs périodes peuvent être représentées. La pièce Incendie illustre ce phénomène grâce a la couleur relative aux sédiments des couches terrestres (couche d'humus, terre noire, couche de démolition, couche d'incendie, et sol géologique). On peut dire que l'archéologue s'enfonce dans le temps par la verticale.
Aby Warburg proposa une autre représentation du temps. Il expérimentera l'histoire des civilisations "racontée à rebours". Cette méthode de travail lui permit de tout prendre en compte dans un même mouvement sans hiérarchiser la forme. Partant du postulat amené par Warburg : " l'Occident ignore ce qui ne peut être mesuré", Ann Guillaume présente une série de mires graduées, Mesures. Utilisées en archéologie, les mires graduées matérialisent l'échelle de l'objet photographié ou la profondeur de la fouille. Ces règles ne donnent pas la mesure en centimètres (les mesures sont fausses) mais assurent de l'existence de l'objet exposé qu'elle accompagne.
La réappropriation des techniques et des représentations archéologiques permet à Ann Guillaume, par la reconstitution, de casser la chronologie linéaire. Elle permet de faire revivre physiquement une pratique, un objet, d'invoquer un temps passé. Rails de chemin de fer en céramique est un vestige faussaire issu du chantier de fouille de Bassing en Lorraine. Ces vrais-faux créent un va et vient temporel entre un potier visionnaire du 2ème siècle et la réalité du site qui va bientôt être recouvert de rails de TGV. La vidéo AG OB AS participe de la même pratique : l'archéologie expérimentale, l'imitation ouvrant l'accès à une meilleure compréhension. Cette vidéo montre un archéologue occupé à tailler le silex, à confectionner des outils, suivant des méthodes répertoriées par déduction et analyse. Elle met en en scène cette fois un geste fossile dont les contours sont ensevelis sous la réalité contemporaine et l'avènement de la machine.
Dès l'époque de Cicéron, les collectionneurs romains, en quête de sculptures grecques, étaient victimes de faussaires. Le Moyen Âge est traversé par le problème des fausses reliques; à la Renaissance Michel Ange cache ses Cupidon dans la terre pour leur donner l'air d'être de véritables marbres gréco-romains. Aujourd'hui cette pratique reste courante. Elle permet aux musées d'exposer l'Histoire sans en altérer les vestiges authentiques. En exposant Fossile ? et le livre Glozel, Vallon des Morts et des Savants de Benjamin René, ouvert à la double page où le faussaire explique sa technique pour fabriquer des faux galets, Ann Guillaume rappelle que les œuvres répliques faites par les faussaires ne sont jamais dénuées d'originalité.
À travers ses "œuvres répliques" qui imitent l'archéologie, ses trouvailles, ses techniques, ses interprétations, Ann Guillaume dévoile la survivance d’une culture dans une autre et montre que "l'archaïque" est synonyme de "modernité".










Galerie octave Cowbell, Metz, 2011.


















Incendie, Illustre le phénomène de stratigraphie. Les couleurs ici représentées sont relativent aux sédiments des couches terrestres (couche d'humus, terre noire, couche de démolition, couche d'incendie, et sol géologique, Châtel saint germain, 2011.


Cartel, Pierre de Jaumont gravé, 40 cm x 40 cm + Mesure, Fragment de marqueterie, 2010.
Combiné d'un cartel accompagnant deux corbeaux (Le corbeau est un élément saillant d'un mur, en architecture. Il permet de soutenir une poutre) et une inscription funéraire paléochrétienne datant du IVème sciècle.












Glozel, Vallon des Morts et des Savants de Benjamin René
(Extrait)


-Bien Monsieur, dit le faussaire.
-Ces galets fabriqués...
-Oui Monsieur
-Pour les enterrés un peu profondément....
-Monsieur dit le faussaire on les enfonce...
-dans la couche archéologique? C'est cela même, dit le faussaire.
-Mais il faut traverser l'humus.
-L'humus dit le faussaire, oui Monsieur...














Moule (projet en cours, photographie par Codireup International),
Base carrée 48.9 x 48.9 cm, Hauteur 75 cm, diamètre 30 cm














Silex taillé
. En forme d'avion de chasse (mirage 2000), ce silex est daté d'environ -15000 avant notre ère, 7 cm X 3 cm.
Installation aux Musées de la cour d'Or à Metz.) Crayon de papier sur papier (110 cm x 555 cm), Mesure Fragment de marqueterie et cartes postales (reproduction d'une photographie d'Aby Warburg au Nouveau Mexique) C'est par l'étude de l'image du serpent dans l'Antiquité, à la Renaissance et chez les peuples indiens, qu' Aby Warburg montre que pour chaque époque "la vérité magique peut l’emporter sur celle des faits". En écho au chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains et ses nombreux panneaux sculptés d'entrelacs de serpents, Ann Guillaume expose un artefact de serpent fossilisé, vestige emprunté au champ de la paléontologie et opérant une mutation vers le symbole.   































Stratigraphie inversée, Site gallo-romain de Châtel Saint Germain, 2011



Hole and Blue, in collaboration with Marzia Rossi, Résidence Suddenly, 2011

26.10.10

Tombé de Mire, Quand tous les sites archéologiques seront fouillés.



Og Ab As signifie en langue préhistorique " j'aime tailler les outils" d'après le linguiste Marcel Locquin. Sur cette image on voit le cartel et la mire graduée (censée donner l'échelle de l'objet). Ici l'objet "langage" ne peut être mesuré.




8.10.10

Choeurs, Pots en terre cuite











Réplique Bis

(terre cuite imitant une réplique de sculpture Magdalénienne produite par le Louvre)








Stratigraphie Inversée
















Vrais Faux
(Pvc imprimé, collé sur contre plaqué) et Mobilier Archaïque (Contre plaqué imprimé motif bois). Something/Nothing/Anything, une exposition proposée par KussuK Yun, Paris, 2010.


Agrès, Marqueterie sur médium, 180 x 80 cm, 2010

4.10.10















Apeikeim, Bois de plaquage et crayon de papier sur papier, 2011.Caverne ouverte sur une vue de chantier de fouille. Sommes nous à l’intérieur de la grotte ou à l’exterieur de celle ci, de quelle époque s’agit-il, sommes nous en présence de la réalité ou de sa projection?


Vrai fausse montagne du Zoo de Vincenne, Dessin sur papier, 80 x 130 cm, 2011

2.8.10

L'archéologue est un détective qui épie la culture derrière l'objet. Quant à l'artiste, il crée l'objet par rapport à la culture.

L'archéologue remonte l'histoire à contre-sens. Il creuse la terre pour révéler l'invisible. Il s'enfonce dans le temps par la verticale. Plus il creuse et plus les traces de l'occupation humaine sur le terrain sont anciennes. Dans une stratigraphie verticale, plusieurs périodes peuvent être représentées. Mais ces périodes qu'illustrent les matériaux laissés par l'homme, peuvent parfois se chevaucher et se contredires. À la suite de glissements de couches géologique dues à l'érosion, par exemple, on a pu observer des vestiges datant de la préhistoire au-dessus de vestiges datant de l'époque gallo-romaine. On appel ce phénomène : "stratigraphie inversée". Cette "stratigraphie inversée montre une toute autre chronologie.

Aby Warburg parlait d'une histoire de l'art circulaire. Il pratiquait la comparaison d'objets et de représentations issus d'époques et de cultures différentes, et cherchait leur points communs. De ce type de confrontation résulte l'abolition de la temporalité classique. L'histoire des Arts paraît alors se développer dans une sphère, ou tout circule ensemble, et où le bon voisinage est possible à travers tous les âges.

Si l'archéologue, ainsi que l'artiste, accordent de l'attention au moindre détail, c'est qu' ils cherchent tous deux à trouver, à comparer, à révéler pour enfin donner à voir la mémoire interne que contient chaque objet. L'archéologie est une science ou la maîtrise de nombreuses spécialisations est nécessaire : anthropologie, ethnologie, botanique, épigraphie, géologie, zoologie, topographie... Dans tous ces métiers, la représentation physique est utilisée : photographie, dessins, cartographie, courbes temporelles...

Mon travail s'inspire des savoirs, des techniques et des trouvailles de l'archéologie. "Quales lapides/Quales structurae" " 0=-7" ou "Nouvelles Archéologies", sont des pièces qui montrent la temporalité à la verticale et qui s'amusent du geste de découvrir et de re-ensevelir. L'archéologue ouvre la terre et la referme. Une fois sortis de terre, les vestiges ne sont laissés à la surface que très peu de temps. Avec "Quales Lapides/Quales Structurae", il s'agit d'évoquer l'histoire d'un mur qui se trouve être une partie de la structure de l'amphithéâtre de Metz construit en 200 après J-C et aujourd'hui enseveli (il se trouve actuellement sous le centre Pompidou-Metz). Par trois fois ce mur fut déterré puis ré-enterré. Du caractère éphémère des fouilles et des courtes mises à jour archéologiques découle une sorte de clignotement des formes, des objets et des structures confrontés le temps d'une analyse au monde contemporain ; une autre expérience de la temporalité.

La réapropriation et la reconstitution permettent de casser la chronologie linéaire. Elle permet de faire revivre physiquement une pratique, un objet, d'invoquer un temps passé. Dans "Voyage vers les Survivances" il s'agit de retrouver la trace du passage d'Aby Warburg au Nouveau Mexique chez les indiens Hopis. Afin d'y observer le rituel du serpent, quatre villages furent visités par Warburg. En m'appuyant sur une photo le montrant accompagné d'un indien, tous deux adossés au mur d'une maison, j'ai moi-même entrepris de suivre l'itinéraire de Warburg. Je me suis lancée à la recherche des traces laissées par son passage, afin d'invoquer son fantôme. "Voyage vers les Survivances" est une série de vidéos montrant potentiellement le mur en question.


La cohabitation d'époques différentes sur un même site, le risque de stratigraphie inversée et la confrontation entre l'homme (l'archéologue) d'aujourd'hui penché sur le sol et l'objet même de sa quête, m'ont amené à créer "Fragments de rails en céramique 100 x 6 x 4".

Les notions de "ré-appropriaton" de "mimésis" ou encore de "réplique", qui constituent l'objet de mes récentes recherches, se trouvent encore une fois exprimées dans le culte du cargo. Dans les années 50, les américains ont construit des bases militaires en Nouvelle Guinée. Ces bases militaires étaient ravitaillées en matériel et en vivres par des avions. Après les avoir longuement observés, les indigènes, dans l'espoir de voir arriver jusqu'à eux ces cargos venues du ciel avec nourriture et biens, se sont mis à construire de faux téléphones, de faux avions, de fausses pistes d'atterrissage. Il s'agissait pour eux d'imiter les gestes et les outils d'une société bien différente de la leur, et technologiquement plus avancée.
D'autre part, l'archéologie expérimentale, en reproduisant (imitant la encore) les processus de fabrication d'outil ou encore d'habitat, vise à faire apparaître des perspectives d'approches nouvelles quant à l'étude de la place de l'homme dans les société, cette fois, reculées dans le temps.
"Fragments de rails en céramique 100 x 6 x 4" n'est ni la reproduction d'un objet ayant appartenu à une société reculée, ni l'imitation inopérante d'un matériel observé dans une société plus avancée, mais une production incluant ces deux opérations, les fondant l'une dans l'autre. En juxtaposant le mode d'investigation propre à l'archéologie expérimentale à la vision sphérique de l'histoire de l'art de Warburg, je veux créer les conditions nécessaires à l'exhumation de ces rails en céramique. Plus qu'un vrai-faux vestige découvert dans la profondeur du sol, il s'agirait de la découverte dans le champ même de ces techniques et visions d'un fragment en validant la pertinence.

Jouer l'illusion de la réalité ouvre sur un autre espace-temps.
Cut, vidéo montrant la taille d’un silex. Les gestes du tailleur sont au montage répétés, démultipliés. Le montage répétitif et saccadé imite la machine.
C’est donc grâce à la technologie que le silex est taillé.
(Merci à Thierry Klag)

L’archéologie expérimentale à pour objet de comprendre les gestes des hommes en les imitant. Après avoir taillé un silex et l’avoir reconstitué, archéologie expérimentale II reconstitue une deuxième fois les morceaux mais cette fois en bois de plaquage.











Vitrine 2 salle 5 du département des Antiquités égyptiennes du Louvre, Marqueterie sur papier, 50 x 90, 2011

28.7.10

"Fragments de Rails en Céramique, 100 cm x 6 cm x 4cm"










Voyage vers les Survivances


Aby Warburg, en étudiant le changement des modes de représentations, a élaboré une histoire des arts basée sur la correspondance et la mise en relation des formes. À la fin du 19 ème siècle, ses travaux l’ont conduit jusqu’au Nouveau Mexique.Le projet Voyage vers les Survivances est une recherche conduite sur le mode archéologique
du passage de Warburg au Nouveau Mexique en 1895. Warburg pensait que les œuvres d’art et les objets de provenances et d’époques différentes laissaient supposer
entre eux une histoire. Surnommé la survivance, ce concept est par définition ce qui subsiste d’un état ancien, d’une chose disparue. La notion de survivance chez Warburg se manifeste par l’existence d’un espace où les différentes temporalité peuvent circuler ensemble. L’archéologie, alors, est la science de la survivance. Parce que comme l’a dit Michel Foucault dans l’Archéologie du Savoir : “elle raconte l’histoire des à côté et des marges”, “elle est la discipline des commencements et des fins”. L’archéologie se situe dans l’intervalle cher à Warburg. Cet intervalle ou entre deux,
est ce qui relie deux époques différentes, deux espaces, deux croyances entre elles. Cette configuration d’espace créée par des choses hétérogènes et parfois ennemies s’agitant ensemble, est l’endroit où l’on peut surprendre cette survivance.
Le projet Voyage vers les survivances à pour but de montrer les signes du passage d’Aby Warburg au Nouveau Mexique ainsi que les traces de son absence dans un même mouvement. L’enregistrement du temps dans le projet vidéo Voyage vers les survivances cherche “à maintenir une analyse bipolaire de l’ancien et du nouveau” comme l’a dit Foucault à propos de l’archéologie. Warburg dans Le rituel du serpent parle de son voyage comme “l’histoire de la civilisation à rebours”. Voyage vers les Survivances invoque des temps différents : celui où Aby warburg a visité les villages hopis, ce-
lui où les films ont été tournés (2010), mais aussi la temporalité étrange que Warburg lui même à créée en allant visiter ces peuple anciens aux rites magiques. Partagé entre raison et délire à l’heure des grandes révolutions industrielles, il se pensait l’intermédiaire entre les choses donc l’intervalle alors qu’il est aussi acteur de survivance. Les vidéos de Voyage vers les survivances invoquent la présence, cherchent les traces d’Aby Warburg dans ces villages où le temps s’est arrêté depuis dix siècles.

«Quales Lapides / Quales Structurae»

Ipression sur PVC 2mm, 2 m 9 7 cm x 2 m 33 cm, 2009 / exposition Galerie Lafayette à Metz
En collaboration avec Leylagoor / partenariat avec la société Optimark

Installation qui rend hommage à l’Amphithéâtre de Metz. Construit au I er siècle, il sera en partie démantelé au fil du temps avant de se retrouver enseveli. Il faut attendre le début du XXème siècle pour voir s’engager une première série de fouilles archéologiques. Enfin, entre 2006 et 2008, les fouilles (menées par l’INRAP) reprennent. Elles donneront jour à une riche documentation. C’est en particulier sur l’étude de cette documentation que repose le travail d’ANN Guillaume qui s’interroge sur notre rapport à l’architecture mis en perspective avec l’activité des
hommes à travers le temps. «Quales Lapides / Quales Structurae» met en scène le déplacement d’un fragment d’architecture construite il y a 19 siècles qui se trouve être un Amphitéâtre dédié aux batailles rangées entre hommes, aux combats d’animaux, vers le coeur d’un bâtiment contemporain, celui qui abrite Les Galeries Lafayette de Metz, situé au centre-ville. «Quales Lapides / Quales Structurae» par ce jeu de contrastes, tente de faire prendre conscience à l’observateur d’appartenir à une époque, son époque, marquée entre autre par les diverses activités auxquelles
se livrent les foules. Une représentation en deux dimensions d’un segment du mur de l’Amphitéâtre est disposée au sol des galeries Lafayette. Le spectateur la surplombe et peut observer le vestige comme il se présente dans son environnement réel, cette fois au grand jour et non enseveli sous ce qui est aujourd’hui le parking du Centre Georges Pompidou-Metz. Un raccourci à été créé. Le raccourci est un procédé désignant un effet visuel qui tend à exagérer la perspective par sa réduction même. Cette figuration spatiale est organisée autour d’un point de fuite unique. Questionner les règles de la représentation inventées par la science de la vision, et chercher le passage entre l’état physique de la 2 dimension et de la 3 dimension permet à ANN Guillaume de relier de manière illusionniste l’espace représenté (espace absent), l’espace réel et celui du spectateur.

Hwo Knows When



Who knows when?
par Jill Gasparina

« Comment passer de la 2D à la 3D ? » se demandent inlassablement Ann Guillaume et Leylagoor depuis le début de leur collaboration en 2006. Elles ont depuis expérimenté dans leur travail diverses sortes de passages du dessin au volume. Mais c’est peut-être la première fois, dans Who Knows When, qu’elles s’attaquent aussi directement à la question de la sculpture. Elles s’y demandent aussi comment transformer une pelle en machine à remonter le temps. Comment déguiser du contreplaqué en marbre. A quoi ressemble une géode poilue. Comment rendre hommage à leur ville natale et aux joyaux architecturaux de la Rome Antique en une seule et même pièce . Comment s’amuser entourée de scies, de presses, et de grandes plaques de tôles dans une usine? Que fait cette peau de lapin sur cette planche à couper le fromage ? Qui sont les plus drôles et cinglés : les archéologues ou les rockers ? Et pourquoi cette
grande tache verte en plein milieu du champ ??? Il y a dans l’exposition des conflits permanents entre les images, les textures et la matérialité. Le contreplaqué est
imprimé, travesti. La tôle est laquée. Le faux bois (agglo/contreplaqué) se déguise en vrai bois ou en faux marbre (Vrais/Faux). Les dessins en poil et les poils en imprimé. Les sculptures de l’exposition ne sont ni des objets réels, ni des objets fonctionnels, ni même des représentations et elles attirent le regard sur leur nature d’illusion. Les dessins représentent des scènes de sculpture dont on ignore si elles ont existé, ou si elles peuvent exister. Quelque chose n’est pas résolu. Les sculptures sont d’ailleurs bien mystérieusement plates, elles ne s’émancipent que lentement et à moitié de la bi-dimensionnalité. Agrès, par exemple, est constitué de deux plans de bois articulés qu’il est toujours possible de remettre à plat. Et ses deux plans sont recouverts de marqueterie, absolument plate là aussi. Protogéode,
19 triangles isocèles reliés par des fils de cuir (19 est le plus petit nombre de triangles nécessaire pour pouvoir former une géode, explique Ann Guillaume), Protogéode, donc, est à plat, encore à plat. Tous les planks de l’exposition
semblent d’ailleurs s’arrondir sous leur propre poids, ils plient, ils tendent à l’horizontalité. Et sont si minces qu’ils n’ont presque qu’une visibilité graphique. Les deux artistes sont donc toujours et encore hantées par l’imaginaire du
dessin, ses jeux de surface et de textures, avec le brillant du plastic blanc (Figures impossibles), la surface opaque du papier poster (Vue) et du carton, le grain du papier à dessin, le calque transparent, la tôle laquée. Who knows when ?
est un échantillonnage des possibilités matérielles du dessin. Les deux artistes se sont toujours intéressées aux conventions utilisées pour peindre la forme et l’espace dans la peinture illusionniste, et notamment à la forme-perspective. La série des Figures impossibles, des collages numériques, garde la trace de cette obsession. Mais le motif central de l’exposition d’Ann Guillaume et Leylagoor est l’archéologie. Quales Lapides, Quales structurae, est la représentation en deux dimensions d’un segment du mur de l’Amphithéâtre de Metz, simplement posée par terre, dans le sous-sol de la galerie. A l’étage supérieur, 7 mètres est une véritable mire graduée utilisée par les topographes et les archéologues : lorsqu’on est archéologue, plus on creuse le sol, plus on s’enfonce dans le temps. L’Antiquité est à -60 cm. La préhistoire à -7 m. Quant à Radiographie 1/Pelle, c’est la représentation d’un autre outil de
l’archéologie, celui qui permet de creuser le sol et de mettre au jour des vestiges. Il y a aussi Vue, une grande image d’un champ en plan très rapproché. On remarque une tache d’une couleur différente au milieu de la verdure. Il s’agit de la trace d’un petit site archéologique, qui a modifié localement la composition de la terre, et partant la couleur des plantes. Dans Who knows when ?, l’archéologie est l’allégorie nostalgique, parfois privée, d’une remontée dans le temps.
Dans la ville de Metz, sous le parking du Centre Pompidou qui ouvrira bientôt ses portes derrière la grande gare construite au sud de la ville, se situent aujourd’hui les ruines d’un des plus vastes amphithéâtres jamais construits par les romains en Europe. Son existence est connue depuis toujours par les habitants, même si elle fut souvent mise en doute. Longtemps, ses ruines ont affleuré, à l’entrée du quartier du Sablon. « On a vu près de la Seille des vestiges de l’Amphithéâtre jusqu’en 1562, temps auquel on les employa à la construction de la Citadelle. Dans les temps de sécheresse, on voit encore une petite partie de ses fondations dans
l’avant-fossé de la redoute de la Porte Saint Thiébault » écrit un bénédictin Messin, en 1769. Ses fondations sont pour la première fois révélées lors de la construction de la gare, en 1902-1903, une époque où la ville est allemande. Le chantier a été ensuite ouvert plusieurs fois, puis refermé jusqu’aux fouilles de 2006-2007. Il semble que le projet de mise au jour de l’Amphithéâtre soit pour le moment abandonné. Ses vestiges sont restés ensevelis depuis 19 siècles sous terre.

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