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2.8.10

L'archéologue est un détective qui épie la culture derrière l'objet. Quant à l'artiste, il crée l'objet par rapport à la culture.

L'archéologue remonte l'histoire à contre-sens. Il creuse la terre pour révéler l'invisible. Il s'enfonce dans le temps par la verticale. Plus il creuse et plus les traces de l'occupation humaine sur le terrain sont anciennes. Dans une stratigraphie verticale, plusieurs périodes peuvent être représentées. Mais ces périodes qu'illustrent les matériaux laissés par l'homme, peuvent parfois se chevaucher et se contredires. À la suite de glissements de couches géologique dues à l'érosion, par exemple, on a pu observer des vestiges datant de la préhistoire au-dessus de vestiges datant de l'époque gallo-romaine. On appel ce phénomène : "stratigraphie inversée". Cette "stratigraphie inversée montre une toute autre chronologie.

Aby Warburg parlait d'une histoire de l'art circulaire. Il pratiquait la comparaison d'objets et de représentations issus d'époques et de cultures différentes, et cherchait leur points communs. De ce type de confrontation résulte l'abolition de la temporalité classique. L'histoire des Arts paraît alors se développer dans une sphère, ou tout circule ensemble, et où le bon voisinage est possible à travers tous les âges.

Si l'archéologue, ainsi que l'artiste, accordent de l'attention au moindre détail, c'est qu' ils cherchent tous deux à trouver, à comparer, à révéler pour enfin donner à voir la mémoire interne que contient chaque objet. L'archéologie est une science ou la maîtrise de nombreuses spécialisations est nécessaire : anthropologie, ethnologie, botanique, épigraphie, géologie, zoologie, topographie... Dans tous ces métiers, la représentation physique est utilisée : photographie, dessins, cartographie, courbes temporelles...

Mon travail s'inspire des savoirs, des techniques et des trouvailles de l'archéologie. "Quales lapides/Quales structurae" " 0=-7" ou "Nouvelles Archéologies", sont des pièces qui montrent la temporalité à la verticale et qui s'amusent du geste de découvrir et de re-ensevelir. L'archéologue ouvre la terre et la referme. Une fois sortis de terre, les vestiges ne sont laissés à la surface que très peu de temps. Avec "Quales Lapides/Quales Structurae", il s'agit d'évoquer l'histoire d'un mur qui se trouve être une partie de la structure de l'amphithéâtre de Metz construit en 200 après J-C et aujourd'hui enseveli (il se trouve actuellement sous le centre Pompidou-Metz). Par trois fois ce mur fut déterré puis ré-enterré. Du caractère éphémère des fouilles et des courtes mises à jour archéologiques découle une sorte de clignotement des formes, des objets et des structures confrontés le temps d'une analyse au monde contemporain ; une autre expérience de la temporalité.

La réapropriation et la reconstitution permettent de casser la chronologie linéaire. Elle permet de faire revivre physiquement une pratique, un objet, d'invoquer un temps passé. Dans "Voyage vers les Survivances" il s'agit de retrouver la trace du passage d'Aby Warburg au Nouveau Mexique chez les indiens Hopis. Afin d'y observer le rituel du serpent, quatre villages furent visités par Warburg. En m'appuyant sur une photo le montrant accompagné d'un indien, tous deux adossés au mur d'une maison, j'ai moi-même entrepris de suivre l'itinéraire de Warburg. Je me suis lancée à la recherche des traces laissées par son passage, afin d'invoquer son fantôme. "Voyage vers les Survivances" est une série de vidéos montrant potentiellement le mur en question.


La cohabitation d'époques différentes sur un même site, le risque de stratigraphie inversée et la confrontation entre l'homme (l'archéologue) d'aujourd'hui penché sur le sol et l'objet même de sa quête, m'ont amené à créer "Fragments de rails en céramique 100 x 6 x 4".

Les notions de "ré-appropriaton" de "mimésis" ou encore de "réplique", qui constituent l'objet de mes récentes recherches, se trouvent encore une fois exprimées dans le culte du cargo. Dans les années 50, les américains ont construit des bases militaires en Nouvelle Guinée. Ces bases militaires étaient ravitaillées en matériel et en vivres par des avions. Après les avoir longuement observés, les indigènes, dans l'espoir de voir arriver jusqu'à eux ces cargos venues du ciel avec nourriture et biens, se sont mis à construire de faux téléphones, de faux avions, de fausses pistes d'atterrissage. Il s'agissait pour eux d'imiter les gestes et les outils d'une société bien différente de la leur, et technologiquement plus avancée.
D'autre part, l'archéologie expérimentale, en reproduisant (imitant la encore) les processus de fabrication d'outil ou encore d'habitat, vise à faire apparaître des perspectives d'approches nouvelles quant à l'étude de la place de l'homme dans les société, cette fois, reculées dans le temps.
"Fragments de rails en céramique 100 x 6 x 4" n'est ni la reproduction d'un objet ayant appartenu à une société reculée, ni l'imitation inopérante d'un matériel observé dans une société plus avancée, mais une production incluant ces deux opérations, les fondant l'une dans l'autre. En juxtaposant le mode d'investigation propre à l'archéologie expérimentale à la vision sphérique de l'histoire de l'art de Warburg, je veux créer les conditions nécessaires à l'exhumation de ces rails en céramique. Plus qu'un vrai-faux vestige découvert dans la profondeur du sol, il s'agirait de la découverte dans le champ même de ces techniques et visions d'un fragment en validant la pertinence.

Jouer l'illusion de la réalité ouvre sur un autre espace-temps.
Cut, vidéo montrant la taille d’un silex. Les gestes du tailleur sont au montage répétés, démultipliés. Le montage répétitif et saccadé imite la machine.
C’est donc grâce à la technologie que le silex est taillé.
(Merci à Thierry Klag)

L’archéologie expérimentale à pour objet de comprendre les gestes des hommes en les imitant. Après avoir taillé un silex et l’avoir reconstitué, archéologie expérimentale II reconstitue une deuxième fois les morceaux mais cette fois en bois de plaquage.











Vitrine 2 salle 5 du département des Antiquités égyptiennes du Louvre, Marqueterie sur papier, 50 x 90, 2011

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